« La propriété est un droit inviolable et sacré » selon la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Cela ne signifie pas que certaines contraintes ne puissent peser dessus.
Parmi ces contraintes, la servitude figure en bonne place.
Caractéristiques et classification
Une servitude est une charge pesant sur un fonds, (terrain, immeuble bâti, chemin, …etc) appelé fonds servant, au profit d’un autre, appelé fonds dominant (art. 637 du Code civil.)
La plupart du temps, deux propriétaires différents sont donc impliqués.
La servitude peut être personnelle : elle est consentie par une personne (propriétaire du fonds servant), au profit d’une autre personne (propriétaire du fonds dominant).
Si la servitude est personnelle, elle ne peut être transmise par son bénéficiaire et s’éteindra lorsque ce dernier ne pourra plus l’utiliser (vente du fonds dominant, décès de son bénéficiaire …etc.)
La servitude peut être réelle, c’est-à-dire, attachée à l’immeuble, indépendamment de ses propriétaires successifs.
La servitude va grever le terrain A au profit du terrain B, quels qu’en soient les propriétaires.
Il existe différentes classifications des servitudes :
- Continues ou discontinues : l’usage des premières n’implique aucun fait de l’homme (par exemple, une conduite d’eau, une vue, etc) contrairement aux secondes (par exemple, un droit de passage ou de puisage.)
- Apparentes ou non-apparentes : selon qu’elles se manifestent par des ouvrages extérieurs visibles ou non
- Affirmatives ou négatives : les premières donnent le droit d’accomplir des actes sur le fonds servant (passer, puiser), les secondes imposent au propriétaire du fonds servant une abstention (servitude non aedificandi, c’est-à-dire servitude de ne pas construire, ne pas ouvrir une vue)
La création d’une servitude
Les servitudes peuvent être naturelles, c’est-à-dire découler de la configuration même des lieux.
Elles peuvent également être légales, que ce soit pour l’intérêt mutuel des propriétaires voisins (par exemple, le respect d’une certaine distance entre deux constructions) ou uniquement de l’un d’entre eux, tel que le droit de passage en cas d’enclave.
Les servitudes peuvent aussi être créées par l’homme. Une convention peut ainsi prévoir le transfert d’un bien immobilier, à titre onéreux ou gratuit, auquel est attaché une servitude. S’agissant d’un droit réel immobilier, la servitude est soumise à publicité foncière à peine d’inopposabilité.
En cas de cession du fonds servant ou dominant, l’acte notarié de cession devra reprendre les termes de cette servitude.
Reste la possibilité de création d’une servitude dite « par destination du père de famille » : un propriétaire constitue une servitude sur un fonds lui appartenant et divise ensuite le fonds, dans la perspective d’une cession.
Droits et obligations des propriétaires
Le propriétaire du fonds dominant ne peut user de la servitude que dans a la limite des besoins pour lesquels elle a été établie, en application du principe de fixité de la servitude ; ce principe lui interdit d’en aggraver les conditions.
Exemple : une servitude de passage à pied sur un terrain empêche tout passage de véhicule quel qu’il soit.
Il dispose d’une action confessoire qui lui permet de faire reconnaître l’existence de son droit si celui-ci est menacé. Cette action permet d’imposer au propriétaire du fonds servant de respecter les contraintes de la servitude, sous peine d’astreinte.
Le propriétaire du fonds servant reste quant à lui titulaire de l’ensemble des attributs de son droit de propriété, bien qu’il doive respecter la servitude. Le principe de fixité lui interdit de modifier l’état des lieux ou de déplacer l’assiette de la servitude. La modification est possible, par exception, si l’assiette actuelle représente une gêne sérieuse pour le demandeur, et que la nouvelle assiette est sans inconvénient pour le propriétaire du fonds dominant. Ce dernier ne pourra alors pas la refuser.
Le propriétaire du fonds servant dispose quant à lui d’une action négatoire lui permettant de contredire celui qui se dit titulaire d’une servitude. Ce sera au défendeur d’apporter la preuve positive de l’existence de ladite servitude.
L’extinction d’une servitude
Les servitudes peuvent prendre fin, de manière permanente ou temporaire.
Dès lors qu’il est impossible de les exercer, elles s’éteignent naturellement. Si les lieux permettent de nouveau de l’exercer, leurs effets reviennent entièrement.
Il arrive également que l’une des caractéristiques de la servitude disparaisse. Etant donné qu’elle concerne nécessairement au moins deux fonds de deux propriétaires différents, la réunion des deux fonds dans la même main, ou la destruction totale et définitive de l’un des fonds éteindra la servitude.
Cependant, toute servitude réelle devra être éteinte par un acte notarié qui sera publié au Service de la Publicité Foncière.